Natif de Lyon, Jean Carriès est l’un des sculpteurs les plus originaux de la seconde moitié du XIXe siècle. Son œuvre se compose en particulier de nombreuses figures de fantaisie, représentant des « déshérités » ou bien des personnages en costume historique. Le Guerrier appartient à cette seconde catégorie. L’artiste se serait ici mis en scène dans un autoportrait imaginaire, vêtu d’une armure et d’un morion, un casque d’origine espagnole, qui se caractérise par sa crête centrale, en usage au XVIe siècle. Ses traits émaciés ne sont pas sans faire écho à ceux du Saint François de Francisco de Zurbarán qui l’avait particulièrement frappé dans les collections du musée durant sa jeunesse. Malgré son apparence martiale, l’œuvre se révèle méditative et mélancolique.

L’artiste réalise plusieurs versions en plâtre patiné de ce buste et confie en 1884 à Pierre Bingen la fonte d’exemplaires en bronze. Chacune de ces versions présente cependant un aspect de surface différent. Fasciné par les possibilités colorées des patines, tout particulièrement après avoir découvert l’art des grès japonais à l’Exposition universelle de 1878 à Paris, Carriès mène des expérimentations sans cesse renouvelées qui lui permettent de varier les teintes avec une infinie subtilité. Sa pratique au même moment de la céramique, qui le conduira à s’installer en Puisaye dans les dernières années de sa vie pour développer encore plus avant cet art, influe ainsi sur son travail de la sculpture.