Née à Lyon en 1756, Juliette Récamier connut une célébrité européenne et fut, durant plus de cinquante ans, au cœur de la vie intellectuelle et artistique européenne en recevant dans son salon, à Paris, les plus beaux esprits de son temps. Muse mais aussi mécène, elle apparaît comme la personnalité la plus représentée de son époque, contrôlant attentivement son image publique.

Si Jacques Louis David et François Gérard ont su fixer ses traits en peinture, son portrait sculpté le plus célèbre est celui réalisé par Joseph Chinard, son compatriote lyonnais, par ailleurs ami de la famille. Celui-ci connut un succès considérable : son modèle en diffusa elle-même des répliques et moulages à ses proches, avant qu’il ne soit reproduit en tous les matériaux et à toutes les échelles. Juliette Récamier apparaît ici au sommet de sa beauté, célébrée par tous ses contemporains, dans un buste à la composition originale incluant les bras, dont la formule se réfère à certaines œuvres italiennes de la Renaissance. Selon le point de vue du spectateur s’exprime une dualité. Se couvrant d’un côté et baissant les yeux telle une Vénus pudique, elle offre de l’autre sa poitrine au regard. L’artiste semble ici s’inscrire dans la filiation de portraits sous un travestissement mythologique, assimilant son modèle à une moderne Vénus. La coiffure, dite à la Psyché, révèle une complexité sans pareille. Chinard se montre particulièrement virtuose dans le traitement des détails, le jeu de la draperie et les effets de poli du marbre.