Quel genre d'œuvre est-ce ?
C'est une peinture à l'huile sur toile de très grandes dimensions. Ce format était habituellement réservé à la peinture d'histoire, représentant des scènes historiques importantes comme une bataille, le couronnement d'un roi , ou bien des sujets religieux ou littéraires. Ici, le tableau illustre le passage d'un roman écrit par Madame de Staël, grande amie de Juliette Récamier.
Qui est l'artiste ?
François Gérard est un peintre né à Rome en 1770 et mort à Paris en 1837. Il est un des nombreux élèves du peintre Jacques-Louis David, qui lui a transmis le goût pour l'Antiquité. Il est l'auteur de nombreux portraits des personnages célèbres de son époque, comme celui de Juliette Récamier.
Comment est née cette œuvre ?
Le tableau a été commandé en 1818 par le prince Auguste de Prusse et par Juliette Récamier, pour rendre hommage à leur amie Madame de Staël qui venait de mourir. Auguste et Juliette demandent au peintre d'illustrer un épisode d'un livre de Madame de Staël , Corinne ou l'Italie .
C'était le roman dont ils se sentaient le plus proche : le livre a été publié en 1807, l'année où ils se sont rencontrés. De plus, l'amour impossible entre les deux héros, Corinne et Oswald, leur rappelait sans doute leur propre histoire.
Une fois le tableau terminé, Auguste de Prusse l'offrit à Juliette Récamier qui l'installa chez elle à l'Abbaye-aux-Bois, en souvenir de leur histoire d'amour (regardez bien à droite du tableau ci-contre).
Elle décida dans son testament qu'à sa mort, le tableau serait donné au musée de Lyon, sa ville natale.
Quel est le sujet de l'œuvre ?
Corinne ou l'Italie est un roman qui évoque les différences de mœurs en Italie, en France et en Angleterre. Il raconte l'histoire d'une femme, la poétesse Corinne, à la recherche de son indépendance dans l'Europe de la fin du 18e siècle. Le roman lance un débat sur la condition féminine, sur le droit de la femme à vivre en étant indépendante et à exister en tant qu'écrivain. Corinne, c'est Madame de Staël elle-même, « ... la douloureuse image d'une femme de génie, belle, aimante et sacrifiée sans pitié aux préjugés du monde ».
Corinne est une jeune italienne admirée pour sa culture et son talent de poète. Les Italiens accourent pour l'écouter improviser des vers, ses sorties publiques se font sur un char triomphal à la manière des philosophes de l'Antiquité, elle mène une vie d'une grande liberté pour une femme de son époque, sans contrainte sociale. Corinne n'écrit pas, elle improvise. Elle compose donc sans préparation devant un public. Si cette pratique poétique est risquée, c'est par elle que se manifeste le génie qui habite Corinne :
« Ce n'était plus une femme craintive, mais une prêtresse inspirée qui se consacrait avec joie au culte du génie ».
Décidée à ne jamais se laisser aller à des sentiments amoureux, pour préserver son indépendance, Corinne s'éprend pourtant d'Oswald, un jeune lord anglais qui voyage en Italie pour oublier la mort de son père. Très vite, Oswald est séduit par l'intelligence, la sensibilité et la beauté de Corinne, mais il se souvient de la promesse qu'il avait faite à son père d'épouser une Anglaise. Corinne prend conscience de son destin tragique lors d'une improvisation au Cap Misène, près de Naples. Dans une lettre adressée à Oswald, elle décide dès lors de raconter son histoire et de révéler sa véritable identité - Corinne étant un pseudonyme emprunté à une poétesse de la Grèce antique.
Le peintre a choisi pour son tableau l'épisode du Cap Misène, c'est-à-dire le moment ou l'héroïne, d'ordinaire libre et confiante, comprend que son amour impossible pour Oswald la condamne au désespoir :
« La lueur douce et pure de la lune embellissait son visage, le vent frais de la mer agitait ses cheveux pittoresquement, et la nature semblait se plaire à la parer. Corinne cependant fut tout à coup saisie par un attendrissement irrésistible : elle considéra ces lieux enchanteurs, cette soirée enivrante, Oswald qui était là, qui n'y serait peut-être pas toujours, et des larmes coulèrent de ses yeux. Le peuple même, qui venait de l'applaudir avec tant de bruit, respectait son émotion, et tous attendaient en silence que ses paroles fissent partager ce qu'elle éprouvait ».
Le peintre situe sa scène dans un paysage menaçant, le Vésuve fumant à l'arrière-plan, sous une lumière lunaire, traduisant l'émotion qui submerge Corinne à cet instant précis :
« La campagne de Naples est l'image des passions humaines : sulfureuse et féconde, ses dangers et ses plaisirs semblent naître de ces volcans enflammés qui donnent à l'air tant de charmes, et font gronder la foudre sous nos pas ».
(Madame de Staël, Corinne ou l'Italie, Livre XIII, chapitre III).
E. Delacroix, La Liberté guidant le peuple, 1831, musée du Louvre
Pour en savoir +
Romantisme :
Ce mouvement artistique et littéraire succède au néo-classicisme. Ses acteurs ont été très marqués par la violence de leur époque. Au culte de la raison et de la vertu du néo-classicisme, ils répondent en s'attachant à représenter le sentiment, les passions et les souffrances. Ils se tournent vers des sujets inspirés de la littérature, du Moyen-Age, ou de l'histoire contemporaine.
Exemple ci-contre : Eugène Delacroix, La Liberté guidant le peuple, 1831, musée du Louvre.