Jean-Honoré Fragonard (1732-1806), L'Abreuvoir, vers 1765, et Le Rocher, vers 1780
^ Le Rocher, vers 1780, Huile sur toile, H. 53 cm ; L. 62,5 cm. Don des mécènes du Club du musée Saint-Pierre en 2013
< L'Abreuvoir, vers 1765, Huile sur toile, H. 51,5 cm ; L. 63 cm. Don des mécènes du Club du musée Saint-Pierre en 2013
Deux œuvres en pendants ?
Les deux œuvres ont connu des destinées séparées dans le dernier quart du XVIIIe siècle et ce n’est que dans la seconde moitié du XIXe siècle qu’elles ont appartenu à un même propriétaire, François Hippolyte Walferdin (1795-1880). Walferdin est le plus illustre des collectionneurs de Fragonard : il a possédé quelques-uns des plus beaux tableaux de cet artiste aujourd’hui conservés au musée du Louvre (portraits autrefois dits de Diderot et de la Guimard, Le Vœu à l’Amour, Mercure et Argus), ainsi que Les Blanchisseuses du musée de Rouen. À la vente de sa collection en 1880, les deux paysages Le Rocher et L’Abreuvoir échoient à des acquéreurs différents, mais se retrouvent réunis durant presque tout le XXe siècle, au sein d’abord de la collection du peintre Gaston de Lauverjat, qui possédait seize œuvres de Fragonard, puis dans celle d’Arthur Veil-Picard, avant d’être à nouveau vendus séparément en 1987. Le Rocher et L’Abreuvoir ont été associés l’un à l’autre depuis plus d’un siècle et entretiennent des rapports de proximité troublants. Leurs dimensions assez proches, leur datation jusque-là envisagée, remise en question par les récentes analyses du C2RMF (Centre de Recherche et de Restauration des Musées de France), et leur sujet bucolique incitaient à les considérer comme des pendants. Dans les deux tableaux, le cœur de la composition réside en une éminence rocheuse servant d’abri à un abreuvoir, auprès duquel les bêtes d’un troupeau ou d’un attelage font halte. L’échelle des figures qui évoluent au sein de cette nature frémissante est également comparable. Surtout, ce sont les principes de composition qui se répondent, le paysage proprement dit se déroulant en-deçà d’une oblique au-dessus de laquelle un ciel peuplé de nuées occupe plus de la moitié de la surface du tableau. En outre, dans les deux tableaux, les formes mouvantes des nuages trouvent un écho dans les frondaisons qu’elles dominent. D’autres correspondances participent à la construction des deux compositions : dans Le Rocher, la forme et les couleurs de la toiture d’une masure font écho au triangle brun formé par le rocher tandis que, dans L’Abreuvoir, la masse horizontale et miroitante de l’abri rocheux trouve son pendant dans le groupe des bêtes aux pelages et toisons dorés par la lumière.
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Michel Grobon (1770-1853), Une Étude d’arbre, 1810
Huile sur toile, H. 56 cm ; L. 46,5 cm. Achat avec le concours de l’État et de la région Rhône-Alpes dans le cadre du Fonds régional d’acquisition pour les musées (FRAM) en 2013
Exposé au Salon de 1812 à Paris, ce tableau représente un paysage des environs de Lyon, probablement près de Nuelles, un village dans lequel l’artiste séjourne durant une dizaine d’années et qu’il représente à plusieurs reprises. Grobon est l’un des premiers à représenter Lyon et ses alentours. Un dessin réalisé sur le motif, préparatoire à ce tableau, nous est connu. L’artiste semble ainsi avoir cherché à transcrire avec exactitude la disposition de ce tilleul, qui constitue le sujet principal de son œuvre, comme le révèle l’intitulé originel de celle-ci. L’anecdote est reléguée à l’arrière-plan, avec la présence de faneurs dans les champs. Ce portrait d’arbre revêt en cela un caractère assez novateur à une date aussi précoce, bien avant que les artistes de Barbizon n’élèvent cette pratique en un genre en soi, tout en se rattachant au goût pour la peinture hollandaise du Siècle d’Or dont Grobon admirait le fini et l’intérêt naturaliste pour des paysages familiers.
Pierre Révoil (1776-1842), Scène de promenade sur un boulevard parisien, 1796-1797
Plume et encre brune sur papier, H. 21,5 cm ; L. 32,2 cm. Don de la galerie de Bayser en 2012
En 1795, le Lyonnais Pierre Révoil, d’abord formé à l’école de dessin de Lyon, entre dans l’atelier de Jacques Louis David, sur la recommandation du soyeux Pierre Toussaint Déchazelle. Il le quitte en 1800 et revient à cette date dans sa ville natale. Les œuvres qu’il réalise dans la première partie de sa carrière relèvent d’une esthétique néoclassique fidèle à l’enseignement reçu de son maître. En 1810 s’opère un tournant dans sa production vers le « genre anecdotique », ultérieurement appelé peinture « troubadour », probablement sous l’influence du succès rencontré par son ancien condisciple Fleury Richard. Ce dessin est daté de l’époque de ce séjour parisien dans l’atelier de David, dont il constitue un rare témoignage car peu de ses œuvres de cette époque nous sont connues. La scène représentée est caractéristique du Directoire, par les costumes décrits, correspondant à ceux des « incroyables » et des « merveilleuses », et par son témoignage du succès des promenades sur les boulevards de la capitale qui marque cette époque.
Paul Flandrin (1811-1902), Paysage idéal
Huile sur toile, H. 67 cm ; L. 67 cm. Achat avec le concours de l’État et de la région Rhône-Alpes dans le cadre du Fonds régional d’acquisition pour les musées (FRAM) en 2013
Formé à l’école des beaux-arts de Lyon, puis dans l’atelier d’Ingres à Paris, Paul Flandrin se consacre principalement au paysage historique durant sa carrière, avec pour exemple Nicolas Poussin envers qui il voue une grande admiration. Ses paysages recomposés sont habités de figures vêtues à l’antique qui n’évoquent aucun sujet propre mais composent une atmosphère poétique et élégiaque. Un homme allongé, drapé de rouge, médite ici face à la nature, dans une posture souvent reprise dans les œuvres du peintre. Ce principe d’une figure isolée se retrouve dans les années 1850 à travers une série de paysages qu’il peut être convenu de placer sous le vocable de « solitudes ». À cette période, le peintre s’écarte peu à peu de l’héritage ingresque par l’apparition d’empâtements traduisant les effets de la lumière et par une palette plus étendue. S’il est probable que ce tableau fut présenté au Salon, son identification et sa datation précise demeurent difficiles à établir du fait que l’artiste utilisait le plus souvent des intitulés génériques.
Paul Flandrin (1811-1902), Dans les bois, automne, vers 1853-1855
Huile sur toile, H. 61 cm ; L. 44 cm. Achat avec le concours de l’État et de la région Rhône-Alpes dans le cadre du Fonds régional d’acquisition pour les musées (FRAM) en 2013
Cette vue d’une clairière en forêt, à l’automne, serait inspirée des environs de Montmorency. Paul Flandrin réside en ce lieu à plusieurs reprises au cours des années 1850, durant une période qui révèle une sensibilité plus marquée dans son œuvre aux paysages d’Ile-de-France. Le goût de la ligne qui caractérisait ses débuts s’efface peu à peu pour une attention à la nature pour elle-même. Sa palette devient plus chaude, sa touche plus fragmentée, et la synthèse des formes laisse place à une profusion descriptive. La dimension poétique demeure néanmoins une constante de son travail. La saison décrite ici renvoie à la notion d’automne de la vie, par contraste avec la jeunesse des deux enfants allongés dans l’herbe, seules figures ici présentes. Présenté au Salon de la Société des Artistes Français à Paris, à une date très tardive, en 1901, ce tableau fut sans doute réalisé bien antérieurement et déjà exposé, le peintre ayant à plusieurs reprises envoyé une même œuvre à différentes années d’écart.
Auguste Morisot (1857-1951), Autoportrait, 1885
Fusain, pastel, crayon noir, aquarelle et craie blanche sur papier, H. 45 cm ; L. 36 cm. Don de Paul Gauzit en 2013
Artiste aux nombreux talents, Auguste Morisot mène une carrière pourtant discrète. Formé à l’école des beaux-arts de Lyon, il en devient professeur à son tour. Il expose périodiquement dans les Salons lyonnais et son œuvre peint, d’inspiration symboliste en particulier, est la partie la mieux connue de son travail. L’artiste a également abordé le champ des arts décoratifs. De 1898 à 1918 environ, il fut ainsi l’auteur de nombreuses verrières civiles, exécutées pour des commanditaires proches de son entourage ou pour lui-même. La maîtrise du dessin, préalable à tous les arts, était selon lui primordiale. Tout au long de sa vie, il n’a donc cessé de crayonner, croquant sur le vif sa famille, ses amis ou se représentant lui-même, en l’absence d’autre sujet. En 2012, l’exposition Auguste Morisot. Du crayon au vitrail s’ouvrait ainsi par une série de dix-sept autoportraits réalisés tout au long de sa vie et datés de 1875 à 1943.
Louis Bertola (1891-1976), L’Ophtalmologie, vers 1940
Plâtre patiné, H. 58 cm ; L. 46 cm ; P. 40 cm. Don de Jacqueline Gachet en 2013
D’origine italienne, Louis Bertola se forme à la sculpture à l’école des beaux-arts de Lyon, puis de Paris, et remporte en 1923 le Grand Prix de Rome. Sa carrière, qui s’inscrit dans le renouveau du classicisme qui marque les années 1920-1930, est pour une large part consacrée au décor monumental, ainsi qu’à l’art sacré. Cette œuvre, à l’iconographie atypique, témoigne de ses liens d’amitié avec le professeur Albert Bizollon, chirurgien en ophtalmologie à Lyon, qui suivit en amateur des cours auprès de l’artiste. Grâce à son entremise, Bertola obtint la commande d’une allégorie en buste de l’ophtalmologie, destinée au décor du pavillon C, celui dédié à cette même discipline, de l’hôpital Édouard Herriot de Lyon, édifié par Tony Garnier. Afin de remercier son ami de son soutien, Bertola lui offrit cette réduction en plâtre patiné. Le don au musée de celle-ci s’est accompagné de deux autres œuvres de l’artiste, un groupe en plâtre patiné, Léda et le cygne (1928), ainsi qu’une esquisse en plâtre, La Montagne et son écho (vers 1930).