Les techniques de décoration murale
Depuis la Renaissance, les Italiens, maîtres de l'art de la fresque, ont peint directement sur les murs a fresco. Les Français ont également peint directement sur les murs, mais à sec, et ont surtout privilégié les décors de toiles marouflées, c'est-à-dire collées sur le support. La plupart des grands décors en France, comme celui de Charles Le Brun pour la Galerie des Glaces du château de Versailles, présentent des huiles sur toiles ou des détrempes marouflées. Les toiles peuvent également être simplement fixées sur châssis posés contre le mur, comme le décor de l’escalier du musée des Beaux-Arts de Lyon par Pierre Puvis de Chavannes.
Au XIXe siècle, dans un contexte de fascination et de nostalgie de la fresque, la technique de peinture à la cire offre une alternative aux peintres français qui souhaitent retrouver la fraîcheur des coloris et l’aspect mat de la fresque, qui n’est plus maîtrisée en France. La cire devient l'un des choix les plus courants pour les décors religieux et jouit d'un certain prestige pendant quelques décennies, à partir des années 1830, avant de tomber en désuétude dès 1860, probablement à cause de la complexité de sa mise en œuvre. La correspondance d’Hippolyte Flandrin témoigne du côté fastidieux et éreintant de cette technique. En 1857, il écrit dans une lettre « Oh ! cette peinture à la cire m’assassine ». Les produits utilisés sont si toxiques qu’il est régulièrement malade.
La peinture à la cire
Dans la technique de peinture à l’encaustique, les pigments sont délayés dans de la cire liquide. Cette technique est l’une des plus utilisées dans la peinture antique : les œuvres les plus célèbres réalisées à l'encaustique à cette période en Égypte sont les portraits dits du Fayoum. Ne jaunissant pas, contrairement à l'huile, et résistant à l'humidité et au salpêtre, elle fut pratiquée sur les œuvres placées en extérieur. L’encaustique présente l'inconvénient de rendre un aspect brillant ; c’est pourquoi les peintres du XIXe siècle ont adopté un processus d'application de la cire à froid, appelé communément peinture à la cire. Hippolyte Flandrin et sa génération tirèrent profit de la référence de leur époque en la matière, le traité de Jacques Nicolas Paillot de Montabert, qui réhabilita cette technique. Les prélèvements réalisés à Saint-Germain-des-Prés à l'occasion de la restauration ont confirmé le respect des préconisations de Paillot de Montabert par Flandrin, mais aussi l'évolution de celui-ci dans ses pratiques au cours de ce chantier
En plus de cet ouvrage théorique, Flandrin sut certainement profiter des leçons du travail de son condisciple lyonnais Victor Orsel dans la chapelle de la Vierge à l’église Notre-Dame-de-Lorette à Paris, commencé dans les années 1830. Orsel fut en effet le premier à faire le choix de la peinture à la cire qu'il expérimenta dans cette chapelle. Une restauration en cours, spectaculaire, du travail d'Orsel à Notre-Dame-de-Lorette permet d'apprécier les effets de matité et de tons proches de la fresque recherchés à l'époque.
Les différentes étapes
Comme toute technique picturale, la peinture à la cire nécessite la préparation du support : les murs de Saint-Germain-des-Prés sont d’abord garnis d'un enduit de plâtre. Cet enduit est ensuite recouvert d’un mélange de cire et de résine destiné à imperméabiliser la surface, lui-même à son tour recouvert par une couche de préparation. Dans le sanctuaire et le chœur, la couche de préparation est composée de blanc de plomb et d’un liant majoritairement constitué de cire. Dans la nef, c’est le blanc de zinc, mélangé à un liant organique là encore principalement cireux, qui est utilisé. L’usage du blanc de zinc se répand à partir de 1850 lorsque les peintres sont progressivement contraints d’abandonner le blanc de plomb, jugé toxique.
La peinture est ensuite composée d’une à deux couches colorées obtenues par mélange de pigments et appliquées en pâte. C’est le liant utilisé, majoritairement composé de cire, qui donne son nom à la technique de la peinture à la cire. Il peut être mélangé à de l’huile ou à de la résine, selon la recette mise en œuvre. Dans le cas de Flandrin à Saint-Germain-des-Prés, les analyses tendent à montrer que ce mélange est constitué uniquement de cire et d’huile siccative qui sèche rapidement.
Les peintures de la nef sont très différentes de celles du sanctuaire et du chœur, tant d’un point de vue stylistique que technique. La touche est plus libre et de nouveaux matériaux, comme des produits manufacturés, font leur apparition. L'expérience d'Hippolyte Flandrin s'est enrichie au fil de ses nombreux chantiers de décoration.
Paul Flandrin achève le chantier après le décès de son frère Hippolyte en 1864. Il ne travaille cependant plus directement sur le mur : la dernière travée du côté sud de la nef est peinte sur des toiles, d’abord exécutées en atelier, puis marouflées sur le mur.
Ce projet bénéficie du généreux soutien de FRench American Museum Exchange (FRAME), réseau dont le musée des Beaux-Arts de Lyon est membre, dans le cadre d’un programme de subvention d’urgence aux musées initié à l'occasion de la crise Covid-19.