Histoires mises en scène

Contenu gauche
Jean Auguste Dominique Ingres, Paolo et Francesca, 1819, Angers, musée des Beaux-Arts © Musées d’Angers, cliché Pierre David
Jean Auguste Dominique Ingres
Paolo et Francesca, 1819, Angers, musée des Beaux-Arts
© Musées d’Angers, cliché Pierre David

 Paolo et Francesca, de Jean Auguste Dominique Ingres

Le sujet de ce tableau est inspiré du chant V de L’Enfer de l’écrivain italien Dante. Ingres en retient le moment clé : Francesca, en compagnie de Paolo Malatesta, le jeune frère de son époux Gianciotto, seigneur de Rimini au XIIIe siècle, lit le roman des aventures du chevalier Lancelot du Lac. Parvenant au récit de l'amour de Lancelot pour la reine Guenièvre, tous deux s’aperçoivent de leur propre sentiment et échangent un baiser. Au même moment, le mari jaloux les surprend et, tirant son épée, s’apprête à les tuer.

Ingres réalise une première composition sur le sujet en 1814. Il la retravaillera ensuite à plusieurs reprises pour d’autres versions très différentes dans leurs détails, notamment celle ici présentée, qui s’accompagne d’un cadre néo-gothique dessiné par Claude Aimé Chenavard.


Missing media item.

Le Tournoi, de Pierre Révoil

Lors d’une joute à Rennes en 1337, un chevalier à l’identité inconnue triomphe de tous ses adversaires. L’un des vaincus parvient à soulever la visière de son heaume : il se révèle être Bertrand Du Guesclin (vers 1320- 1380), jeune noble breton à qui son père avait interdit de participer à ce tournoi. Il deviendra une grande figure de la Guerre de Cent Ans, pendant laquelle il commandera l’armée royale sous le titre de connétable de France. Ce tableau constitue l’une des tentatives les plus abouties de reconstitution presque archéologique du passé de Révoil. Il s’inspire ici de manuscrits médiévaux enluminés ou d’objets de sa propre collection, comme l’olifant dans lequel souffle le héraut d’armes, une pièce d’Italie du sud de la fin du XIe siècle. 


Paul Delaroche, Les Enfants d’Édouard, 1830, huile sur toile, Paris, musée du Louvre © RMN-Grand Palais (musée du Louvre) / René-Gabriel Ojéda
Paul Delaroche
Les Enfants d’Édouard, 1830, huile sur toile, Paris, musée du Louvre
© PHOTO RMN / René-Gabriel Ojeda

Les Enfants d’Édouard, de Paul Delaroche

Delaroche emprunte le sujet de ce tableau, exposé au Salon de 1831, à la pièce de William Shakespeare, Richard III. À la mort du roi Édouard IV d’Angleterre, son fils aîné devait hériter de son trône et être couronné en tant que Édouard V. Cependant, son oncle, l’ambitieux Richard, duc de Gloucester, met en œuvre le projet de lui ravir le pouvoir. Il fait emprisonner le jeune prince, encore adolescent, ainsi que son frère cadet, dans la Tour de Londres, où tous deux seront assassinés.

Le moment retenu par le peintre se situe juste avant le drame. Les deux princes, pressentant leur funeste sort, se serrent l’un contre l’autre. Le rai de lumière sous la porte et le chien qui dresse l’oreille signalent l’arrivée imminente de visiteurs, que le spectateur peut imaginer comme étant les meurtriers.


Fleury François Richard, François Ier montre à la reine de Navarre, sa sœur, les vers qu’il vient d’écrire sur une vitre avec son diamant, 1804, Arenenberg, Napoleon Museum
Fleury François Richard,
François Ier montre à la reine de Navarre, sa sœur, les vers qu’il vient d’écrire sur une vitre avec son diamant, 1804, Arenenberg, Napoleon Museum

François Ier montre à Marguerite de Navarre, sa sœur, les vers qu’il vient d’écrire sur une vitre avec son diamant, de Fleury Richard

La scène représentée se déroule au château de Chambord. Le roi François Ier, connu pour son goût des femmes et sa conduite volage, a ici gravé sur l’une des vitres une inscription ironique : « Souvent femme varie. Bien fol qui s’y fie ». Avec amusement, il montre ces mots à sa sœur, la reine Marguerite de Navarre. Cette anecdote est avant tout prétexte à la reconstitution d’un intérieur de la Renaissance, dans lequel le mobilier et les vitraux sont détaillés avec soin.

Le peintre a cherché des sources pour représenter ses personnages. Si le peintre s’inspire des portraits connus du roi, notamment celui du Titien, il trouve son modèle pour le personnage féminin dans les tableaux de Léonard de Vinci du musée du Louvre.


Fleury Richard, Valentine de Milan pleurant la mort de son époux Louis d’Orléans, 1802, huile sur toile, Saint-Pétersbourg, musée de l’Ermitage © The State Hermitage Museum /Leonard Kheifets, Alexander Koksharov
Fleury Richard
Valentine de Milan pleurant la mort de son époux Louis d’Orléans, 1802, huile sur toile, Saint-Pétersbourg, musée de l’Ermitage
Photograph © The State Hermitage Museum /Leonard Kheifets, Alexander Koksharov

Valentine de Milan pleurant la mort de son époux Louis d’Orléans, assassiné en 1407, par Jean, duc de Bourgogne, de Fleury Richard

Valentine de Milan (1366-1408) est la fille du duc Jean Galéas Visconti et d’Isabelle de France. Elle devient duchesse d’Orléans en 1389, suite à son mariage avec Louis Ier, frère cadet du roi de France Charles VI. À partir de 1392, la folie de son frère conduit le duc d’Orléans à participer au conseil de régence du royaume, dans un contexte de lutte de pouvoir qui mènera son cousin Jean Sans Peur, duc de Bourgogne, à ordonner son assassinat en 1407. Valentine de Milan ne cessera alors de réclamer justice, avant de mourir de chagrin moins d’un an plus tard.

Remportant un vif succès au Salon de 1802, le tableau entre trois ans plus tard dans la collection de l’impératrice Joséphine.

 


Paul Delaroche, Cromwell et Charles Ier, 1831, Nîmes, musée des Beaux-Arts © Photo Florent Gardin
Paul Delaroche
Cromwell et Charles Ier, 1831, Nîmes, musée des Beaux-Arts
© Photo Florent Gardin

Cromwell et Charles Ier, de Paul Delaroche

L’épisode illustré par ce tableau est emprunté à un texte de Chateaubriand, Les Quatre Stuarts. Après l’exécution du roi d’Angleterre Charles Ier en 1649, renversé par une guerre civile, son adversaire, Oliver Cromwell (1599- 1658), soulève ici le couvercle de son cercueil pour contempler son cadavre. Pour les spectateurs du Salon de 1831 qui découvrirent ce tableau, une telle représentation n’était pas sans écho à la récente Révolution française et à l’exécution de Louis XVI.

De récentes découvertes ont établi que Delaroche connaissait bien l’art anglais de son temps et qu’il a mené une véritable recherche autour de l’iconographie de Cromwell. Il a pu notamment s’inspirer d’études de costumes, en particulier de bottes, menées dans des châteaux anglais par James Ward, un artiste qu’il connaissait.

 

Contenu droite
Eduardo Rosales, Don Juan d'Autriche présenté à l'empereur Charles Quint, 1869, huile sur toile, Madrid, musée national du Prado, service presse Musée des Beaux-Arts de Lyon
Eduardo Rosales
Don Juan d'Autriche présenté à l'empereur Charles Quint, 1869, huile sur toile, Madrid, musée national du Prado, service presse Musée des Beaux-Arts de Lyon

Don Juan d’Autriche présenté à l’empereur Charles Quint à Yuste, de Eduardo Rosales

Après avoir abandonné le pouvoir, l’empereur Charles Quint se retire en 1556 dans le monastère de Yuste, en Espagne, pour y finir sa vie. Il demande alors qu’on lui présente son fils illégitime, don Juan d’Autriche (1545-1578), qui servait comme page auprès d’un noble du pays, afin de lui révéler sa naissance. Ce jeune homme connaîtra un illustre destin militaire, commandant notamment la flotte victorieuse des armées ottomanes lors de la bataille de Lépante en 1571.

Le peintre fait ici appel à l’exemple de L’Assassinat du duc de Guise de Paul Delaroche pour ordonner sa composition. Il associe ce modèle à des références empruntées aux collections du musée du Prado ou à l’art espagnol, en particulier au Greco.


Eugène Delacroix, Louis d’Orléans montrant sa maîtresse 1825-1826 Huile sur toile Madrid, Museo Thyssen-Bornemisza © Museo Thyssen-Bornemisza. Madrid
Eugène Delacroix
Louis d’Orléans montrant sa maîtresse 1825-1826 Huile sur toile Madrid, Museo Thyssen-Bornemisza
© Museo Thyssen-Bornemisza. Madrid

Louis d’Orléans montrant sa maîtresse, d'Eugène Delacroix

L’anecdote illustrée par ce tableau est empruntée à l’Histoire des ducs de Bourgogne de Prosper de Barante. Le duc Louis Ier d’Orléans (1372-1407), grand amateur de femmes, aurait voulu jouer un tour à son chambellan, Aubert Le Flamenc, dont l’épouse, Mariette d’Enghien, était devenue sa maîtresse. Par amusement, le duc lui aurait montré la jeune femme nue, le visage caché, afin de lui faire juger de sa beauté, et le mari trompé ne l’aurait pas reconnue.

Delacroix situe cette scène dans un Moyen Âge imaginé, dont il restitue l’esprit plutôt que le détail. Il joue d’une palette riche et du rendu luxueux des étoffes pour renforcer l’érotisme de la représentation.


Jan Matejko, Stańczyk, 1862, Varsovie, Muzeum Narodowe © by Ligier Piotr / Muzeum Narodowe w Warszawie
MM-A
Stańczyk, 1862, Varsovie, Muzeum Narodowe
© Copyright by Ligier Piotr/Muzeum Narodowe w Warszawie

Stańczyk, de Jan Matejko

Stańczyk (vers 1480-1560) est le bouffon de la cour du roi de Pologne Sigismond Ier. Connu pour son esprit vif et ses propos d’une lucidité prémonitoire sur le sort de son pays, il est devenu au XIXe siècle une figure symbolique de la culture nationale dans l’art et la littérature. Ce tableau de Matejko est l’une des premières œuvres le représentant et s’impose comme l’une de celles qui ont contribué à la construction de cette identité polonaise.

Stańczyk assiste ici à un bal donné par la reine en 1514 pour célébrer la victoire des armées polonaises sur les troupes de la principauté de Moscou à Orsza. Or, au même moment, la perte de la ville de Smoleńsk constitue une nouvelle inquiétante qui laisse présager un futur sombre pour le pays. Seul le fou semble toutefois le pressentir, alors que la cour s’amuse.


Gabriele Castagnola, Filippo Lippi et Lucrezia Buti, 1871, Collection particulière © Christie’s Images /The Bridgeman Art Library
Gabriele Castagnola
The Embrace of Fra Filippo Lippi and Lucrezia Buti, 1871 (oil on canvas)
Copyright: www.bridgemanart.com

Filippo Lippi et Lucrezia Buti, de Gabriele Castagnola

Le peintre florentin Filippo Lippi (1457-1504), qui compte parmi les initiateurs de la Renaissance en Italie, bénéficie d’une vie particulièrement romanesque dans les ouvrages rédigés à son sujet. Alors que lui-même est moine au début de sa carrière artistique, il serait tombé amoureux d’une jeune religieuse qui lui servait de modèle, Lucrezia Buti, et tous deux se seraient enfuis ensemble.

La scène choisie ici par Castagnola montre leur baiser coupable, dans un décor évoquant une église riche de nombreuses oeuvres d’art.


Sir William Allan, Le Meurtre de David Rizzio, 1833, Edimbourg, Scottish National Gallery © Scottish National Gallery
Sir William Allan
Le Meurtre de David Rizzio, 1833, Edimbourg, Scottish National Gallery
© Scottish National Gallery

Le Meurtre de David Rizzio, de Sir William Allan

Le meurtre du courtisan David Rizzio (1533-1566) est l’un des épisodes les plus tristement célèbres du règne de Marie Stuart (1542-1587). Jugé trop proche de la souveraine d’Écosse, il est assassiné sous ses yeux dans ses appartements du Palais d’Holyroodhouse à Édimbourg, alors qu’elle est enceinte du futur Jacques VI. Parmi les assassins, une bande de rebelles protestants conduits par Patrick, lord Ruthven, se trouve le propre époux de la reine, Henry, lord Darnley, représenté ici en train de la retenir. Le choix de ce sujet tiré de l’histoire écossaise est en partie influencé par les romans de Walter Scott.

L’artiste étudie également des armures anciennes et des portraits d’époque de certains personnages de la scène, et représente fidèlement la chambre supposée de Marie Stuart.


Pierre Nolasque Bergeret, Charles Quint ramassant le pinceau du Titien, 1808, Bordeaux, musée des Beaux-Arts © Musée des Beaux-Arts- Mairie de Bordeaux. Cliché L.Gauthier
Pierre Nolasque Bergeret
Charles Quint ramassant le pinceau du Titien, 1808, Bordeaux, musée des Beaux-Arts
© Musée des Beaux-Arts - Mairie de Bordeaux. Cliché F. Deval

Charles Quint ramassant le pinceau du Titien, de Pierre Nolasque Bergeret

André Félibien rapporte dans ses Vies des peintres que l’empereur Charles Quint aurait rendu visite au peintre Titien à Bologne en 1533 pour qu’il réalise son portrait. Devenu fébrile en raison de la présence de cet illustre modèle, l’artiste aurait laissé tomber son pinceau par mégarde, et l’empereur se serait baissé pour le ramasser et le lui rendre. Cet épisode, vraisemblablement légendaire, illustre le respect des puissants devant les artistes, face auxquels ils n’hésitent pas à s’incliner pour rendre hommage à leur talent.

Ainsi, Bergeret défend-il la place qui doit, selon lui, être celle des créateurs dans la société.