Albert Gleizes, L’Éditeur Eugène Figuière (1882-1944), 1913

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À VOUS DE VOIR

  1. Au premier regard, comment qualifieriez-vous cette peinture ? Et pourquoi ?
  2. Repérez et nommez les éléments figuratifs utilisés par Albert Gleizes dans cette œuvre. Que nous apprennent-ils sur l’identité du personnage représenté ?
  3. Albert Gleizes crée ici des liens entre la peinture et la littérature : comment ?
  4. L’artiste s’éloigne de la représentation figurative. A quoi le voit-on ?
  5. Il expérimente ici la « simultanéité en peinture ». Repérez par quels moyens il y parvient. En quoi modifie-t-il ainsi notre perception ?

L’ARTISTE

Albert Gleizes (Paris, 1881 – Avignon, 1953), artiste français.
En 1899, Albert Gleizes entre comme apprenti dans l’entreprise familiale de dessin industriel pour tissus d’ameublement. Dès 1901 il commence à peindre à la manière des impressionnistes et montre une prédilection pour le thème du paysage. Avec des amis écrivains, il fonde en banlieue parisienne, une petite colonie littéraire l’ Abbaye de Créteil, où il réalise principalement des portraits.

Très marqué par l’œuvre du peintre Henri Le Fauconnier, rencontré en 1909 et dont il fréquente l’atelier, il adopte un style plus analytique et décompose les formes en multiples facettes. Il opte pour une palette aux couleurs austères. En 1911, il expose au Salon des Indépendants dans la salle des cubistes qui dévoile pour la première fois ce mouvement au public.
Par l’intermédiaire de Guillaume Apollinaire, il y rencontre Pablo Picasso ainsi que les trois frères Duchamp : Marcel Duchamp, Raymond Duchamp-Villon et Jacques Villon. En 1913, il présente au Salon d’Automne L’Éditeur Eugène Figuière, portrait où il rend hommage à son éditeur. Réformé au début de la Première Guerre mondiale, Albert Gleizes quitte la France pour New York. De retour à Paris en 1919, où il retrouve une scène cubiste profondément modifiée, il entre en relation avec le galeriste Léonce Rosenberg, qui lui commande un décor pour son appartement.

En 1926, il quitte Paris pour l’Ardèche et loue l’année suivante une maison appelée Moly-Sabata à Sablons. Il y installe une colonie d’artistes et d’artisans désireux de se soustraire à l’influence de la production industrielle. À la fin des années 1930, il participe à de nombreux grands décors muraux, notamment en 1937 pour l’Exposition Internationale de Paris et en 1938 pour le Salon des Tuileries.

En 1947, il voit son œuvre consacrée par une première grande rétrospective organisée, à Lyon, dans la chapelle du lycée Ampère.

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L’ŒUVRE

Installé de trois-quarts, les jambes croisées, un homme assis occupe le centre de la composition. Le grand nombre de livres qui l’entourent brouille la perception du portrait de l’éditeur, pourtant sujet de l’œuvre. L’espace intérieur, déconstruit, ne se donne à voir qu’après une lente et progressive reconstitution mentale des multiples formes qui le composent. Cette toile s’inscrit dans la continuité des expérimentions de Pablo Picasso et de Georges Braque sur la fragmentation des sujets, caractéristique du cubisme analytique. Albert Gleizes cherche alors à ce que « l’objet [ne soit] plus considéré d’un point déterminé, mais définitivement reconstruit suivant un choix successif que son propre mouvement lui permet de découvrir ». Le titre Rythmes simultanés, inscrit dans la partie inférieure du tableau, fait allusion à l’ouvrage du poète Henri-Martin Barzun qui prônait la « simultanéité » dans la construction poétique. L’artiste traduit ici cette notion de manière plastique : dans l’angle supérieur du tableau, une horloge apparaît partiellement, illustrant cette question du lien qui unit le temps au mouvement.

Albert Gleizes, qui a toujours fréquenté le milieu littéraire, convoque dans cette œuvre un certain nombre d’auteurs, poètes, critiques et peintres en inscrivant leurs noms ou le titre de leur ouvrage à même la toile, comme l’initièrent Georges Braque et Pablo Picasso. Ainsi  Guillaume Apollinaire, auteur des Peintres cubistes, et le poète Paul Fort sont-ils cités aux côtés d’Alexandre Mercereau, critique et écrivain, Georges Polti occultiste passionné par l’ésotérisme des nombres, Gustave Kahn, critique au Mercure de France, et défenseur du cubisme, Jacques Nayal, directeur littéraire des éditions Figuière. Enfin Eugène Figuière lui-même, est représenté tenant son propre recueil poétique Les Murmures. La présence diffuse de jaune reprend la couleur des couvertures de l’éditeur et tranche avec le camaïeu gris-vert, propre au cubisme analytique.

Tout au long de sa vie, Albert Gleizes ne cesse de relier le monde de la peinture à celui de l’écriture, publiant de multiples ouvrages à la fois théoriques et littéraires, preuves d’un esprit ouvert et réceptif à un monde en profonde mutation. Il est ainsi, avec Jean Metzinger, l’auteur du premier ouvrage théorique sur le mouvement cubiste, Du cubisme, publié en 1912 par Eugène Figuière.

L'ŒUVRE DANS SON CONTEXTE

  • 1912 Premiers collages de Braque et Picasso.
  • 1912 M. Larionov élabore le rayonnisme, synthèse russe du cubisme, du futurisme et de l’orphisme.
  • 1913 Premier ready-made de M. Duchamp.
  • 1913 Albert Gleizes, L'Éditeur Eugène Figuière, 1913